Nouvelles possibilités pour les prises de décisions à distance et écrites lors des assemblées générales

Une nouvelle loi modifiant entre autres le Code des sociétés et des associations (ci-après : le “CSA”) dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus COVID-19 

L’apparition de la pandémie du COVID-19 en début d’année 2020 et les mesures gouvernementales correspondantes pour contenir le virus, soulèvent de nombreuses questions sur la prise de décision des entreprises belges, y compris à plus long terme. Après tout, la pandémie signifie que les réunions physiques ne peuvent plus être la norme.

Lors de la première vague de la pandémie, l’Arrêté Royal du 9 avril 2020 (ci-après : l’”Arrêté Royal”) a été publié afin d’offrir plus de flexibilité concernant l’organisation des assemblées générales des actionnaires ou des membres (et des réunions des conseils d’administration). Dans cet Arrêté Royal, le législateur prévoyait deux possibilités exceptionnelles pour les entreprises belges : (1) un report limité de l’assemblée générale ordinaire à une date ultérieure (avec un maximum de 10 semaines) et (2) l’organisation à distance de l’assemblée générale (sans présence physique). Toutefois, ces mesures étaient limitées dans le temps et n’étaient applicables qu’aux assemblées à tenir ou devant être tenues ou à convoquer ou devant être convoquées entre le 1ier mars 2020 et le 30 juin 2020. Par conséquent, les entreprises belges rencontrent encore de grandes difficultés pratiques pour organiser leurs assemblées générales. Il était dès lors urgent que le législateur intervienne à nouveau pour garantir la continuité du processus décisionnel des sociétés et des associations à tout moment.

Afin de traiter cette question, une nouvelle loi a été adoptée portant des dispositions diverses temporaires et structurelles en matière de justice dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus COVID-19 (M.B. 24 décembre 2020) (ci-après : la “Loi”). L’objectif premier de la Loi est de prendre des mesures urgentes en matière de processus décisionnel des sociétés et des associations dans le cadre de la lutte contre la pandémie du Covid-19, mais elle propose également un certain nombre de mesures définitives dans le cadre de la digitalisation du processus décisionnel des sociétés et des associations.

En ce qui concerne les sociétés et les associations, la Loi permet en particulier (i) l’organisation d’assemblées générales “à distance”, (ii) le droit pour les actionnaires ou les membres de voter avant l’assemblée générale sous forme électronique et (iii) l’adoption de résolutions par le biais de résolutions unanimes écrites des actionnaires ou des membres.

 

L’organisation d’assemblées générales “à distance” 

Jusqu’à présent, le CSA n’offrait que explicitement la possibilité de participer à l’assemblée générale à distance aux actionnaires d’une SRL, SA et SC, et cela uniquement sous réserve d’une autorisation statutaire. Par conséquent, en cas de passivité des actionnaires pour prévoir une règle statutaire, l’organisation d’une assemblée générale électronique ou digitale n’était pas possible. La Loi introduit cependant la possibilité d’organiser des assemblées générales à distance, même sans aucune autorisation statutaire, pour les formes de société susmentionnées, ainsi que pour les ASBL et les AISBL.

Les conditions pour faire usage de cette possibilité sont les suivantes :

  • Décision de l’organe d’administration : L’organe d’administration doit officiellement prendre la décision d’organiser l’assemblée générale à distance et doit offrir aux actionnaires ou aux membres la possibilité de participer à l’assemblée générale à distance par le biais d’un moyen de communication électronique mis à disposition par la société ou l’association.
  • Obligations de contrôle et d’information : Le législateur impose un certain nombre de conditions strictes afin, entre autres, de vérifier la capacité et l’identité des actionnaires ou des membres et de garantir la participation active à l’assemblée et l’exercice des droits de vote. Les procédures relatives à la participation à distance doivent être clairement définies dans la convocation à l’assemblée générale et le procès-verbal doit rendre compte clairement des délibérations de l’assemblée. Les moyens de communication électroniques doivent en outre permettre aux actionnaires ou membres de participer aux délibérations et de poser des questions, à moins que l’organe d’administration ne justifie dans la convocation de l’assemblée générale pourquoi la société ou l’association ne dispose pas de tels moyens de communication électroniques. Toutefois, cette dernière exception est limitée dans le temps et ne s’appliquera que jusqu’au 30 juin 2021.
  • Présence physique du bureau : Les membres du bureau de l’assemblée générale ne peuvent pas participer à l’assemblée générale par voie électronique. En effet, il est argumenté que les membres du bureau sont les personnes qui signent le procès-verbal de l’assemblée générale et qui prennent la responsabilité, au nom de la société ou de l’association, de la composition valable de l’assemblée.

 

Vote sous forme électronique 

La Loi introduit également la possibilité de mettre en place un mécanisme statutaire de vote pour les actionnaires ou les membres, par lequel les actionnaires ou les membres peuvent voter par voie électronique avant la tenue de l’assemblée générale. Ce mécanisme ne peut toutefois être appliqué que s’il est prévu et réglementé en détail dans les statuts et si les garanties nécessaires sont en place pour vérifier, entre autres, la capacité et l’identité des actionnaires ou des membres.

 

Prise de décision par écrit 

Enfin, la Loi introduit la possibilité pour les ASBL et les AISBL de prendre les décisions d’assemblée générale par le biais de résolutions écrites et unanimes des membres, même sans autorisation prévue dans les statuts. Le CSA prévoyait déjà explicitement cette possibilité pour les SRL, SA et SC. Il est important de noter que cette procédure ne peut être utilisée, dans aucune société ou association, pour une modification statutaire.

Il s’agit d’une évolution positive pour les ASBL mais par contre d’une restriction majeure de la liberté contractuelle des AISBL. Pour les grandes associations comptant de nombreux membres (et les sociétés ayant de nombreux actionnaires), l’exigence selon laquelle les résolutions écrites doivent être prises à l’unanimité (à l’unanimité de tous les membres) est en fait restrictive et sera très difficile, voire impossible à organiser dans la pratique.

Pour une discussion spécifique sur l’impact de cette nouvelle législation sur le secteur sans but lucratif, nous faisons référence à notre newsflash suivant: Virtual & written general assemblies in (International) Non-Profit Associations.

 

Entrée en vigueur

La Loi a été adoptée le 20 décembre 2020 et publiée au Moniteur belge le 24 décembre 2020. En conséquence, les modifications du CSA susmentionnées sont entrées en vigueur le 24 décembre 2020.